Les collections du département desarts graphiques Musée du Louvre
Mise à jour de la fiche 12/01/2023 Attention, le contenu de cette fiche ne reflète pas nécessairement le dernier état du savoir.

PEREGRINO DA CESENA


Ecole bolonaise

Le Triomphe de Neptune

Vers 1490/1510

Estampe

TECHNIQUES :
burin

INVENTAIRES :
Collection Edmond de Rothschild
10 Ni/ Recto

Anciens numéros d'inventaire :
9087

LOCALISATION :
Réserve Edmond de Rothschild
Recueil : Nielles Tome I (7 Ni. à 22 Ni.)
L 2 LR

ATTRIBUTION ACTUELLE :
PEREGRINO DA CESENA

TECHNIQUES ET DIMENSIONS :
Estampe en manière de nielle. Monogrammé O.P.D.C. dans le bas
Dimensions à la feuille : H. 00,042m ; L. 00,074m
Dimensions au coup de planche : H. 00,032m ; L. 00,065m
Dimensions au trait carré : H. 00,028m ; L. 00,061m

HISTORIQUE :
Jacopo Durazzo, sa vente, Stuttgart, 22 novembre 1872, no 2913 ; acquis par Louis Clément pour 561 florins ; baron Edmond de Rothschild ; don au musée du Louvre en 1935.
Dernière provenance : Rothschild, baron Edmond de
Mode d'acquisition : don
Année d'acquisition : 1935

COMMENTAIRE :
A. Blum (1950) souligne que la composition et le sujet de ce nielle sont analogues au dessin de l'atelier de Mantegna conservé à l'école nationale de Beaux-Arts (Inv. 190). D'autres épreuves sont conservées à la bibliothèque de l'Albertina, à la Bibliothèque Nationale de France (Ye 88 rés; provenant de la collection van Sestich); au British Museum (provenant de la collection Gallichon) et à la Bibliothèque Royale de Bruxelles. La collection Rothschild conserve des épreuves gravées par A. Altdorfer qui reprennent ce sujet (voir 8198 LR et L 23 Lr. "On doit à Robert Stiassny et Max Friedländer l'attribution à Albrecht Atldorfer des huit burins d'après les estampes en manière de nielles exécutées par Peregrino da Cesena (1). Franz Winzinger ajoutait très pertinemment à ce corpus la Tête de jeune homme datée de 1507 - le portrait le plus petit de la Renaissance germanique, de la taille d'un timbre-poste (2) -, autrefois considéré comme un autoportrait. Trois autres feuilles, Mars avec une lance et un écu (3), la Tentation de deux ermites (cat. 7a) et la Fortune sur un globe (cat. 7b), méritent également d'être signalées, car leur fond traité en manière de nielle est la preuve qu'Altdorfer a appliqué cette technique a des estampes qui n'étaient ni copiées ni inspirées de nielles aujourd'hui identifiés. Altdorfer eut connaissance des modèles de Peregrino da Cesena au plus tard en 1506, comme l'indique la date gravée sur l'Allégorie de la Prudence, sa première estampe d'apres une composition du Bolonais (4). Nous ignorons en revanche où et quand il eut accès à ces modèles : est-ce a la cour de Maximilien Ier, qui avait fait venir de Mantoue Gian Marco Cavalli, graveur au service d'Andrea Mantegna en 1506 ? A une date antérieure, grâce aux artistes qui séjournaient dans des villes comme Bologne ou Padoue, très fréquentées par de jeunes apprentis germaniques (5) ? Ou bien au contact de collectionneurs éclairés de Ratisbonne ou d'Augsbourg (6) ? En tout état de cause, on peut affirmer que de tous les artistes qui travaillaient dans l'entourage de l'empereur, Altdorfer fut celui qui se montra le plus séduit par la technique, le format et l'esthétique de ces estampes (7). Altdorfer a rarement copié les oeuvres de Peregrino de façon exacte. Sa copie la plus fidèle est sans doute l'Hercule et une Muse (cat. 49g) d'après la composition de même sujet du Bolonais (cat. 49a), à ceci près qu'il a introduit des variations à l'arrière de la scène, préférant le fond noir à la façon du nielle au décor végétal emprunté à l'Adam et Ève de Dürer. Ces changements concentrés sur l'arrière-plan sont aussi visibles sur le Couple d'amants conduits par des dieux marins (cat. 49h), également traité en miroir par rapport au modèle italien Le Triomphe de Neptune (cat. 49b). Ici, à la différence de l'Hercule et une Muse, Altdorfer immerge le thiase marin dans un fond unifié de gris et supprime les plantes aquatiques visibles dans l'estampe de Peregrino. De plus, il adoucit la scène du Bolonais en substituant au dieu Neptune prompt à la bataille un couple d'amoureux couronné de laurier qui guette nonchalamment l'avancée tranquille des tritons. La scène fait clairement référence au Combat des dieux marins de Mantegna (8), une oeuvre d'une importance majeure plusieurs fois reprise sur les bas-reliefs des palais bolonais. Alors que l'on aurait tendance à situer au début de la carrière d'Altdorfer ces compositions si respectueuses de leurs modèles, leur exécution se place autour de 1520-1530, ce que confirme paradoxalement cette grande liberté de création, loin de ce que l'on attendait alors de l'oeuvre d'un artiste confirmé Certaines feuilles témoignent de la capacité de l'artiste à s'inspirer des exemples italiens sans les copier servilement, voire à emprunter des éléments a différentes compositions pour créer sa propre version de l'histoire. C'est le cas du burin représentant Arion et une Néréide (cat. 49i), inspiré de deux estampes de Peregrino (cat. 49c et 49d). Altdorfer retient de la première la figure du jeune musicien tourné vers la gauche, la tête ceinte d'une bandelette, un arc dans une main et un violon dans l'autre, et reprend de la seconde la stabilité de l'assise à califourchon. Il s'affranchit néanmoins des exemples italiens et du récit d'Hérodote en introduisant dans la scène une Néréide aux allures clairement mantégnesques, mais dont la place dans la composition fait écho à celle que l'on peut voir dans Les Sorcières de Hans Baldung (cat. 15b). Altdorfer s'écarte aussi des modèles italiens dans le traitement de la scène principale, ici reléguée à l'arrière-plan. Cette approche situe d'emblée l'épopée d'Arion à un moment ultérieur du récit, celui ou le héros se dirige vers le cap Ténare. Ces petites compositions sont pour Altdorfer autant d'occasions de s'intéresser à la représentation de la nudité. Ses premiers burins, notamment la Tentation de deux ermites (cat. 7a) ou la Fortune sur un globe (cat. 7b), témoignent de l'influence qu'a pu exercer sur lui Jacopo de'Barbari, avec ses figures aux volumes pleins et aux corps sans formes clairement définies. Altdorfer évolue ensuite vers un vocabulaire classique italianisant aux lignes plus arrondies, ou les mêmes contrapposti reviennent régulièrement. C'est le cas du léger déhanchement que l'on retrouve dans la Vénus entre deux putti (cat. 49j) et dans la figure masculine d'Hercule dans Hercule et une Muse (cat. 49g), ainsi que dans la représentation de la Muse, en miroir du demi-dieu. Techniquement, sa pratique évolue. Dans les années 1506 à 1511, il imite très fidèlement le fond noir de son modèle au moyen de passages répétés de hachures et de contre-hachures diagonales, un procédé propre aux estampes a la manière de nielles. Puis on remarque une diminution progressive du nombre d'incisions (cat. 49j), qui finissent par former des traits parallèles horizontaux (cat. 49h et cat. 49i). Ce travail délicat et minutieux rappelle celui des graveurs en manière de nielles, qui, à l'origine, étaient des orfèvres. Les gravures des divers objets d'ornement (cat. 50 à 55) ne font d'ailleurs que confirmer l'intérêt d'Altdorfer pour un répertoire destiné selon toute vraisemblance a cette même communauté d'artistes. Outre la parenté de ces gravures avec l'activité des orfèvres, Altdorfer adapte ces motifs italiens avec l'intention claire d'y appliquer le résultat de ses recherches sur le clair-obscur, sujet capital dans son oeuvre. Il ressort de l'étude de ces burins qu'Altdorfer disposait d'un répertoire assez fourni d'estampes de Peregrino. Il devait très vraisemblablement, si l'on en juge par l'intérêt qu'il leur portait, collectionner lui-même ces feuilles aisément transportables (9). Comme Stiassny l'a déjà indiqué, Altdorfer, pour graver sa Vénus entre deux putti, s'est tourné vers l'Allégorie de la Paix et de l'Abondance (cat. 49e), mais aussi vers la Vénus (cat. 49f ). De la première, il reprend la position de la tête, la corne d'abondance et le rapport affectueux entre la figure allégorique et les putti ; à la seconde, il emprunte les ondulations des drapés ainsi que les formes et le déhanchement du corps. Mais ses sources d'inspiration furent certainement nombreuses car l'on perçoit également dans son oeuvre l'influence des motifs de Nicoletto da Modena ou même des « tarots de Mantegna », dont la quarantième carte représentant la Foi ne manque pas d'évoquer la posture des Vénus. Le retentissement de ces oeuvres sur la génération suivante fut extraordinaire, et l'on ne peut en effet comprendre les gravures des frères Beham ou de Heinrich Aldegrever sans la figure d'Altdorfer, qui s'est approprié ces feuilles caractéristiques de l'aire de production bolonaise.» (1. Mielke 1997, nos e.33, e.36, e.39, e.42, e.44, e.46, e.52 et 53, e.95. 2. Winzinger 1963a, p. 90, no 103. Mielke 1997, no e.81. Le portrait est a mettre en relation avec un nielle de l'école bolonaise (Francesco Raibolini ?) conservé au musée du Louvre dans la collection Edmond de Rothschild (104 Ni). 3. Mielke 1997, no e.34. 4. Mielke 1997, no e.52 et Dutuit 694. Erhard Altdorfer avait également connaissance de ces estampes en 1506, comme en témoigne son Allégorie de la Vanité. 5. Bushart 2004, p. 90-97. 6. Aucun voyage dans cette ville n'est attesté avant 1506. 7. Jörg Breu a fait neuf dessins d'après des estampes en manière de nielles de Peregrino qui décorent le Livre de prières de l'empereur Maximilien Ier (1514). En revanche, il n'a retenu ni la taille ni l'imitation de la technique italienne. 8. Bartsch 1803-1821, XIII, p.239, nos 17 et 18. 9. Voir à ce propos le testament d'Albrecht Altdorfer dans Boll, 1938-1939, p.91-102) (V. Fernandez Masaguer, 2020). Bibliographie : A.Bartsch, 'Le Peintre graveur', 1803-1821, VIII, p. 80, no 60, XIII, p. 208, no 5 J. Passavant, 'Le Peintre-graveur', Leipzig, 1860-1864, 6 vol., n° 656 Duchesne. 214 E. Dutuit, 'Manuel de l'amateur d'estampes. Introduction générale. Deuxieme partie. Nielles', Paris, 1888, no 680 A. Blum, 'Les Nielles du Quattrocento', Paris, 1950, p. 21, no 78 'Early Italian Engravings from the National Gallery of Art', cat. exp. Washington, National Gallery of Art, 1973, cat. par Jay A. Levenson, Konrad Oberhuber et Jacquelyn L. Sheehan, Washington, 1973, p. 539 'Bologna e l'Umanesimo, 1490-1510', cat. exp. Bologne, Pinacoteca Nazionale, 1988), cat. sous la dir. de Marzia Faietti et Konrad Oberhuber, Bologne, 1988, p. 338 G. Lambert, 'Les premières gravures italiennes. Quattrocento début du cinquecento', Bibliothèque Nationale de France, Paris, 1999, p. 27, n°92 S. Thüringen, 'Altdorfer entrepreneur. Les eaux-fortes de vases d'apparat' in 'Albrecht Altdorfer. Maître de la Renaissance allemande', Hélène Grollemund, Olivia Savatier Sjöholm, Séverine Lepape, cat. exp. Paris, musée du Louvre, 1er octobre 2020 - 4 janvier 2021, Paris, 2020, pp. 192-199 V. Fernandez Masaguer in 'Albrecht Altdorfer. Maître de la Renaissance allemande', Hélène Grollemund, Olivia Savatier Sjöholm, Séverine Lepape, cat. exp. Paris, musée du Louvre, 1er octobre 2020 - 4 janvier 2021, Paris, 2020, pp. 202-205 et n° 49b p. 202, repr.

INDEX :
Collections : Durazzo, Jacopo
Lieux : Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert Ier, oeuvre en rapport, Paris, Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, oeuvre en rapport, Londres, British Museum, oeuvre en rapport, Paris, Bibliothèque Nationale, département des Etampes et de la Photographie, oeuvre en rapport, Vienne, Albertina, Graphische Sammlung, oeuvre en rapport
Personnes : Neptune - Mantegna, Andrea, oeuvre en rapport
Sujets : MYTHOLOGIES - Triomphe de Neptune - ornement

REFERENCE DE L'INVENTAIRE MANUSCRIT :
vol. 9, p. 12